Paris - Le Caire

Il est un endroit de Paris pour lequel j'ai une tendresse particulière. Certes, c'est crade ; oui, c'est mal entretenu ; oui c'est le quartier historique des putes ; en effet c'est très glauque le soir et il vaut mieux éviter d'y passer de nuit, mais je l'aime bien moi, le quartier du Caire. 

En plein Sentier, entre la place du Caire, la rue du Caire, la rue d'Alexandrie et la rue Saint-Denis se trouve le passage du Caire. Formé par trois galeries couvertes de verre, c'est le plus grand de tous les passages parisiens. C'est aussi l'un des plus anciens et des plus étroits. Construit après le retour d'Egypte de Napoléon Bonaparte (1798), le passage a pris la place de l'ancien couvent des Filles-Dieu. Plusieurs entrées mènent à l'intérieur. La plus célèbre se situe sur la place du Caire, où l'immeuble qu'elle traverse a été décoré d'une façade égyptisante de belle facture. Colonnes osiriaques, têtes hathoriaques et frises en méplat avec faux hiéroglyphes évoquent quelque temple de la vallée du Nil. Les fenêtres font quant à elles davantage référence à l'Egypte musulmane, dans un style beaucoup plus "mille et une nuits". 

On se trouve ici juste à côté de l'ancien emplacement de la Cour-des-Miracles (nommée ainsi car les mendiants et les faux estropiés retrouvaient subitement toutes leurs capacités physiques une fois franchie l'entrée de ce quartier où ils avaient élu domicile. Et il faut bien dire que la place du Caire a aujourd'hui totalement repris ce rôle, les miracles en moins.

A l'intérieur, le passage était autrefois dédié à la lithographie. Aujourd'hui, de curieuses boutiques vendant de l'équipement pour les magasins de prêt-à-porter (mannequins, portants, présentoirs) ont envahi les lieux, conférant à cet endroit déjà si particulier une atmosphère encore plus étrange. On peut voir dans les vitrines de curieux "portraits de famille" formés de mannequins nus, ou des êtres métalliques qui rappellent 6PO dans Star Wars.











Alors que les vraies rues du Caire ne sont en rien comparables à ce passage, cette ambiance, pourtant, fait qu'on est un peu transporté ailleurs. Oh, c'est pas le voyage mystique du siècle, entendons-nous bien, il y a plus de Caille-ra ici que de Cairotes, mais le contraste est intéressant.

Totalement délaissé des Parisiens, le passage du Caire est, du coup, délaissé aussi des services qui en ont la garde. Inscrites à l'inventaire supplémentaire des Monuments historiques (on dit dorénavant "inscrit aux Monuments historiques"), les parties anciennes conservées (en particulier les parties hautes sous les verrières) n'en sont pas moins dans un état préoccupant de délabrement.

Et ce n'est pas avec les crédits actuels consacrés au patrimoine qu'on va arranger la situation.